Double regards croisé de deux militants référents, celui d’Isabelle Rault du syndicat Bretagne et celui de Dimitri Guiller de Vendée Loire Atlantique sur leur travail.
La vision du syndicat Bretagne
?Le militant référent est un militant mandaté par son syndicat pour assurer le suivi de sections syndicales d’entreprise dans l’objectif qu’elles se développent.Le Syndicat Chimie Énergie de Bretagne (SCEB) a mis en place des militants référents en 2004. Isabelle Rault, membre de l’exécutif, est militante référente depuis mars 2010. Dans l’entreprise, elle est télévendeuse en travail posté. Elle est élue à la délégation unique du personnel et déléguée syndicale.
Mag FCE : Isabelle, comment es-tu devenue militante référente ?
Isabelle : Quand j’ai créé ma section syndicale en 2006, j’ai été aidée par un militant référent, Yann Poirier. Nous sommes maintenant 60 adhérents sur 150 salariés. En octobre 2009, Yann m’a proposé d’être référente. Puis l’idée a fait son chemin. Le SCEB a négocié une convention de détachement avec mon employeur. Le syndicat lui rembourse les 70 jours de détachement par an.
Mag FCE : en quoi consiste ta mission ?
Isabelle : Le but est le développement syndical.
Les sections ont besoin d’une réponse rapide. Le rôle du référent est d’abord d’amener la section sur une approche stratégique. Alors qu’elle irait plus sur du juridique. Au départ, le SCEB m’a confié le suivi de 10 sections syndicales d’entreprises (SSE). J’en suis maintenant 40. Je m’occupe des créations de section dans les entreprises ciblées par le comité d’action développement (CAD) du syndicat. Je participe aux négociations préélectorales. J’interviens lors des conflits aux côtés des élus et des salariés. J’aide les militants à préparer les assemblées générales et j’y assiste. Je les incite à se former. Après les formations, je m’assure qu’ils s’en servent. En exécutif, on échange sur l’avancement, les difficultés, les actions à engager. À partir des éléments chiffrés, je planifie et priorise mes actions, en fais des comptes-rendus.
Mag FCE: comment travailles-tu avec les SSE ?
Isabelle : Plus de 80% des sections ont des manques sur les pratiques syndicales. Pas de tract, pas de préparation des réunions, pas de comptes-rendus. Je travaille avec eux sur le « comment ». On aborde la meilleure façon d’amener des arguments et de s’opposer aux contre arguments, rédiger les questions DP, l’ordre du jour du comité d’entreprise, une demande de négociation.
Mag FCE : quels résultats as-tu déjà engrangés ?
Isabelle :J’ai pu mesurer les résultats au bout d’une année. Les sections se mettent sur les pratiques syndicales, se forment, se développent. J’ai créé plusieurs sections d’une vingtaine d’adhérents. Au bout de 2 ans, j’ai trouvé un rythme de croisière avec moins de rencontres par section pour de meilleurs résultats, ce qui permet d’étoffer le nombre de sections. Mon truc, c’est le développement. Et je suis satisfaite quand les militants en comprennent l’intérêt et qu’ils m’appellent pour m’annoncer une adhésion.
Mag FCE: que tires-tu de cette expérience ?
Isabelle : C’est super intéressant même si c’est beaucoup de disponibilité et pas toujours de reconnaissance de la part de certaines sections. Je m’attendais à affronter des conflits avec les directions, les autres organisations syndicales et je suis parfois confrontée à des conflits de personnes au sein de nos sections syndicales. Je n’y étais pas préparée. Je pense manquer parfois de pédagogie et de patience, mais j’apprends à accepter que les gens progressent à leur rythme, par étape. J’ai acquis des compétences et de la confiance en moi.
Mag FCE: que conseillerais-tu à un syndicat qui veut mettre en place des référents ?
Isabelle : Je suis surprise que peu de syndicat chimie énergie en ait mis en place. Les moyens financiers ne doivent pas être un obstacle, la démarche est gagnante à moyen et long terme : augmentation du nombre d’adhérents, visibilité de la CFDT donc plus de création de sections. Je pense qu’il y a moins de procédures juridiques avec des référents car ils incitent à d’autres traitements des conflits par la négociation et la stratégie. Financer le détachement permet aussi d’y dédier du temps. Ça engage à des résultats. Je pense que le référent ne doit pas faire uniquement du suivi de sections. C’est bien qu’il puisse animer des formations, créer des sections. C’est motivant, valorisant et permet de se ressourcer.
Mag FCE : plus généralement quels enseignements en tires-tu ?
Isabelle : L’image des syndicats est très dégradée. Les syndicalistes paraissent loin des entreprises. Les référents peuvent contribuer à améliorer cette image car ils accompagnent les militants de section pour qu’ils soient plus près de leurs collègues plus efficacement. n
?…celle du syndicat Vendée Loire Atlantique
?e Syndicat Chimie Energie Vendée Loire Atlantique a décidé de mettre en place des Référents de Section Syndicale sous réserve que ce nouveau mode de fonctionnement soit validé par le congrès du syndicat, les 25 et 26 octobre prochains. Le Mag FCE est allé à sa rencontre pour en savoir plus.
Mag FCE: Dimitri, qu’est-ce qui a conduit votre syndicat à interroger son fonctionnement ?
En tant que nouveau Secrétaire général, j’ai été rapidement confronté à de multiples sollicitations et par conséquent, j’ai pu mesurer qu’il était très difficile d’y répondre correctement. Parfois, cela pouvait également générer des incompréhensions avec les sections syndicales. Il fallait donc réfléchir à travailler autrement, et, sensibiliser les autres responsables du syndicat à cette situation.
Mag FCE: Comment, as-tu procédé ?
J’ai réalisé une forme de diagnostic du fonctionnement du syndicat en notant pendant 1 an les différents dysfonctionnements rencontrés. Ensuite, j’ai partagé cet état des lieux avec l’exécutif du syndicat et nous avons décidé de le présenter au conseil syndical pour échanges et débats. Il faut noter que cet état des lieux était complété par des propositions pouvant améliorer notre fonctionnement.
Mag FCE: Comment ces nouvelles pistes de fonctionnement ont-elles émergé?
Il faut savoir que notre syndicat est impliqué dans les expériences conduites par l’union régionale interprofessionnelle des Pays de la Loire suite au congrès confédéral de Tours et nous avons donc pu ainsi présenter les différents dispositifs lors de notre conseil syndical.
Mag FCE: Quelles ont été les réactions du conseil syndical ?
Après explications, les conseillers ont rapidement partagé le diagnostic posé. Il restait à retenir ensemble, parmi les expérimentations lancées, celle qui convenait à notre situation. C’est la mise en place de Référents de Section Syndicale qui nous paraît la réponse la plus adaptée. Ce choix de structuration est aussi conforté par l’expérience de certains syndicats de la FCE-CFDT qui fonctionne ainsi et avec succès.
Mag FCE: Des freins ont dû être évoqués ?
En effet, pour que le Référent de Section Syndicale soit prioritairement un animateur de branche, cela pose la question de sa disponibilité et des moyens à sa disposition. Le syndicat s’est engagé à prendre en compte cette problématique, y compris en négociant des moyens supplémentaires pour ces militants. Par ailleurs, ces Référents seront accompagnés par le syndicat et cette organisation n’est pas figée. Un bilan sera fait au bout de 2 ans et des ajustements ou d’autres choix se feront si besoin.
Mag FCE: A quand la mise en oeuvre ?
Afin que toutes les équipes se sentent concernées par ce nouveau mode fonctionnement et le partagent, le conseil syndical a décidé de traduire cette nouvelle organisation dans la résolution soumise aux militants, lors de notre congrès des 25 et 26 octobre prochains. Si l’avis est positif, il nous restera à concrétiser ce nouveau mode de fonctionnement dans le plan de travail qui en découlera, et ce, en impliquant les nouveaux élus pour une mise en place au cours du 1er semestre 2013.